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Tour de France : «Il y a encore des choses à changer», raconte Philippa York

Philippa York n’était plus revenue sur le Tour de France depuis l’édition 1993, qu’elle avait disputée sous le nom de Robert Millar. L’ancien vainqueur écossais du maillot à pois en 1984 et de trois étapes est devenu Philippa York après un changement d’identité sexuelle qu’elle a révélé en 2017.

Désormais journaliste pour le site britannique CyclingNews, Philippa York raconte comment son retour sur la Grande Boucle a été vécu par ses anciens partenaires et adversaires. Et aussi tout le combat qu’il lui reste à mener dans le cyclisme.

Comment faut-il décrire votre présence sur le Tour ? Une première ou une suite ?

PHILIPPA YORK. (Sourire) Robert a fait onze Tours et Philippa en a fait un. C’est donc mon douzième Tour. Je n’appréhendais pas ce retour dans ce milieu car, maintenant, c’est accepté. Il y a davantage de compréhension. Par rapport aux acteurs du cyclisme, tout s’est bien passé. Par exemple, j’ai vu Allan Peiper, mon ancien partenaire chez Peugeot puis Panasonic. Il est aujourd’hui le directeur sportif de l’équipe UAE. J’ai croisé François Lemarchand, Pascal Lino ou Thierry Gouvenou qui travaillent dans l’organisation (ASO). Ou Marc Madiot. Lui, je l’ai aperçu de loin car il était dans la bulle sanitaire. Ils m’ont tous reconnu. Il n’y a plus de gêne.

Ils viennent vous parler sans problème ?

Disons qu’il y en a moins qu’avant. Au début, évidemment, je sentais que c’était compliqué. Mais nous sommes dans mon monde, celui du vélo. A un moment, ce qui compte, c’est de parler de cyclisme. Pas de moi. Plus personne ne m’appelle Robert. Il me reste juste un petit détail à régler.

Lequel ?

Ma voix change quand je parle de vélo. Elle devient plus grave. Je ne sais pas comment cela s’explique. Comme si c’était Robert qui parlait. Il faut que je fasse attention. En fait, c’est surtout moi que ça dérange. Les autres s’en moquent mais j’ai l’impression d’être un peu dans le passé. C’est un mauvais réflexe dont je dois me débarrasser.

Estimez-vous que le cyclisme est devenu plus tolérant ?

Il est obligé. Les jeunes générations ne font pas la différence entre les hétéros, les gays ou les transsexuels. Le sport s’adapte aussi. Regardez ce qui se passe avec les podiums où il y a aussi des hommes qui sont présents pour les remises des maillots. L’anormal est devenu normal. L’éducation a changé les mentalités. Quand j’interviewe des coureurs, je leur dis que s’ils veulent me poser des questions sur mon parcours, qu’ils n’hésitent pas. Ce n’est pas encore arrivé mais c’est plus parce qu’ils trouvent cela normal que par rejet. Les anciens, c’est différent. Ils ont couru avec Robert et ils veulent comprendre pourquoi je suis devenue Philippa. C’est très logique d’ailleurs.

Quels sont les combats que vous souhaitez mener désormais ?

Il y a des épreuves comme le Tour d’Oman ou le Tour d’Arabie Saoudite, organisés par ASO (NDLR : l’organisateur du Tour). J’aimerais bien les couvrir. Mais, là-bas, l’homosexualité reste un crime et je serais considérée comme une personne gay. Je serais arrêtée à la frontière puis renvoyée après des séances d’humiliation. Dans ces pays, on dirait que je suis un homme qui triche et fait semblant d’être une femme. Un jour, des coureurs diront, pendant leur carrière, qu’ils sont gays. Les empêchera-t-on de faire leur métier dans ces pays ? Il y a encore des choses à changer et j’espère que le cyclisme l’y aidera.