«Master of None» sur Netflix : une troisième saison très attendue, mais…
Dire que l’on attendait cette troisième saison de « Master of None » relève du doux euphémisme. Les deux premiers volets de cette série américaine créée par le comédien de stand-up Aziz Ansari nous avaient charmés par leur côté solaire, enthousiasmés par une créativité débordante. Les tribulations new-yorkaises (et italiennes) de Dev (personnage joué par Aziz Ansari lui-même), acteur de seconde zone fan de cuisine enchaînant les relations amoureuses désastreuses, sonnaient justes, faisaient rire et réfléchir, récoltant une pluie de bonnes critiques et de récompenses.
Pour cette troisième saison, mise en ligne ce dimanche sur Netflix et qui aura mis plus de quatre ans à sortir (la série a été mise sur pause en 2017 à la suite d’une affaire de harcèlement visant son créateur), c’est un virage à 180° qu’opère Aziz Ansari, réalisateur de ces cinq nouveaux épisodes oscillant entre 20 et… 55 minutes.
Bye bye New York, bonjour les problèmes de couple
Tout d’abord, le cadre change : exit Brooklyn, on se retrouve en pleine campagne américaine, à une heure de New York. Le personnage principal change aussi : bye-bye Dev (on ne voit Aziz Ansari que quelques secondes à l’écran), c’est désormais le couple que forment Denise (Lena Whaite, coscénariste, ex-second rôle de la fiction) et sa femme, Alicia (Noami Ackie), qui sont au centre des débats. Plus embêtant, le ton change également : fini la comédie douce-amère, « Master of None » plonge tête la première dans le drame conjugal.
En clair, on ne retrouve plus aucun ingrédient de la recette qui avait fait le succès des premières éditions. On a beau avoir les plus belles intentions (ce qui est le cas ici) et un certain savoir-faire, ce n’est pas avec des pommes et des fraises que l’on fabrique un tiramisu (métaphore culinaire que n’aurait pas reniée Dev dans les deux saisons précédentes). Aziz Ansari a, de fait, concocté une série qui n’a plus rien à voir avec ses débuts, ce qui explique le nom alambiqué donné à cette suite : « Master of None presents Moments in love ». Comme si la série officielle présentait une simple déclinaison, une variation sur un thème radicalement différent.

Pour filmer les hauts et les bas de Denise et Alicia ainsi que leurs désirs contrariés d’avoir un enfant, Aziz Ansari a visiblement lorgné du côté d’Ingmar Bergman et de ses « Scènes de la vie conjugale ». Plans fixes aussi longs qu’un jour sans nuit, gros plans sur une toile d’araignée ou la barrière d’un champ… Sa réalisation agace rapidement par son côté « arty » trop appuyé, d’autant que l’ensemble manque singulièrement de finesse (oh bah tiens, la maîtresse de Denise oublie comme par hasard sa culotte au pied du canapé). On se surprend à imaginer ce que donnerait un film de Dany Boon voulant faire du Téchiné.
Il y a bien, ici et là, quelques scènes d’une grande beauté (la danse devant la cheminée, le bain partagé), quelques jolies idées. La plus forte est évidemment de choisir deux femmes noires et lesbiennes comme personnages principaux. Les actrices sont convaincantes, le parcours du combattant d’Alicia pour avoir un enfant est éreintant tant il est semé d’injustices. Mais les meilleures intentions ne font pas les meilleures séries. Et tout du long – à l’exception d’un dernier épisode plus solaire -, l’espièglerie habituelle de « Master of None » laisse place à un profond ennui.
LA NOTE DE LA RÉDACTION : 1,5/5
« Master of None presents : Moments in Love », d’Aziz Ansari, avec Lena Waithe, Naomi Ackie… Cinq épisodes de 20 à 55 minutes. Disponible sur Netflix.