Mega 24 News France

«Enceinte, les médicaments, c’est pas n’importe comment» : une campagne de prévention lancée ce mercredi

L’alcool, ça y est, ça se sait. Le tabac aussi. Mais pour les médicaments, le risque est très mal connu chez les femmes enceintes. Seules trois futures mamans sur dix y sont « suffisamment » sensibilisées, contre 70 % pour les breuvages et cigarettes (selon une étude ViaVoice, réalisée pour l’ANSM en novembre 2019 puis en décembre 2020, auprès respectivement de 1 586 et 2 000 femmes âgées de 18 à 44 ans). « On a une marge de progression indispensable », reconnaît Christelle Ratignier-Carbonneil, la patronne de l’ANSM, gendarme du médicament en France, qui lance ce mercredi une grande campagne nationale de prévention. Son message : « Enceinte, les médicaments, c’est pas n’importe comment. »

Le challenge est grand. L’automédication au cours des neuf mois concerne 36 % des femmes qui vont avoir un premier enfant, 48 % de celles qui accueillent leur deuxième ou plus. Du côté médecin, ce n’est pas tellement mieux. En moyenne, neuf comprimés et autres gélules sont prescrits en France pendant la grossesse, trois fois plus que chez nos voisins d’Europe du Nord. « Il ne s’agit pas de les diaboliser ou de dire zéro médicament comme on dirait zéro verre d’alcool, insiste la docteure Ratignier-Carbonneil. Mais bien de rappeler qu’en prendre sans l’avis d’un professionnel peut-être délétère pour le bébé à naître. »



Le risque, des malformations d’organe, l’apparition d’un bec-de-lièvre, un faible poids à la naissance, une atteinte rénale ou même des conséquences apparaissant à plus long terme, comme des troubles cognitifs ou de l’hyperactivité. « Parfois, une seule prise peut suffire à entraîner l’un de ses effets », relève Céline Mounier, directrice de la surveillance à l’agence sanitaire.

Gare aux anti-inflammatoires, sartans, valproate…

Dans son viseur par exemple – et notamment lors des trois premiers mois – le valproate (dont l’emblématique antiépileptique Dépakine, dont il a été prouvé qu’il augmentait considérablement les problèmes de développement) ou l’isotrétinoïne contre l’acné. Aux trimestres deux et trois, gare entre autres, aux anti-inflammatoires dits non stéroïdiens (comme l’ibuprofène) ou aux sartans, ces cachets contre l’hypertension artérielle ou l’insuffisance cardiaque.

Il n’est pas question de crier au loup, les malformations « médicamenteuses » concernent environ 800 à 1 200 des 800 000 naissances annuelles dans l’Hexagone, mais elles pourraient – et donc doivent – être évitées. D’où les quatre règles d’or qu’édicte ce mercredi l’ANSM : 1) préparer sa grossesse avec son médecin ou sa sage-femme ; 2) pas d’automédication ; 3) ne jamais arrêter seule un traitement qui a été prescrit ; 4) informer tous les professionnels de santé que l’on va croiser pendant sa grossesse (un dentiste, un dermatologue, son pharmacien etc.). Pour toucher le plus de monde possible, l’agence a passé un partenariat avec le docteur-youtubeur Corentin Lacroix. Un site Internet est créé : www.medicamentsetgrossesse.fr

Consulter, donc. D’autant que le pictogramme grossesse sur les emballages de médicament ne convainc ni les médecins, ni les associations d’usagers de la santé. Née en 2017 après le scandale de la Dépakine, l’idée était bonne mais son utilisation, excessive, ressemble plus à une précaution des industriels qu’à une véritable information à destination de la patiente.



« Le mieux est vraiment d’en parler à votre médecin, insiste le généraliste Sylvain Bouquet, car c’est très compliqué. On peut prendre certains médicaments au début, puis ne plus prendre, puis reprendre. » Idem, lors de l’allaitement : s’il existe moins de médicaments contre-indiqués, certains (comme quelques antibiotiques) restent déconseillés. En revanche, avant même la conception, d’autres seront recommandés, telle une supplémentation en acide folique (vitamine B9), préconisée un mois avant la mise en route de bébé et pendant douze semaines après.

Un autre chantier d’envergure s’ouvre. Les effets de la prise de médicaments par l’homme avant la conception. « Là-dessus, nous sommes très mauvais, note le Dr Bouquet. On commence juste à nous intéresser aux effets sur la spermatogenèse. C’est pourtant très important. »