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Projet de loi antiterroriste : les récentes agressions de policiers vont peser sur les débats

Les débats risquent d’êtres animés sur les bancs du Palais Bourbon. Dans une ambiance tendue, l’Assemblée nationale a entamé ce mardi l’examen du nouveau projet de loi antiterroriste et renseignement qui va occuper l’Assemblée toute la soirée et jusqu’à jeudi. Ce texte ajoute à l’arsenal législatif déjà en place des mesures pour faire face à la menace des sortants de prison condamnés pour terrorisme ou radicalisés, sur fond de surenchère à droite.

Près d’un an après la censure par le Conseil Constitutionnel d’une proposition de loi LREM instaurant des mesures de sûreté, le gouvernement prend le relais avec ce projet de loi. Il vient donner un second souffle à deux textes adoptés en 2015 et 2017. Et comporte un nouveau volet destiné à répondre à cet enjeu sécuritaire majeur mais qui représente aussi un défi en termes de libertés publiques.

Il sera bien entendu question dans les débats de l’attaque meurtrière d’une fonctionnaire de police à Rambouillet par un homme radicalisé. Et même si la justice n’a pas pour l’heure retenu la qualification terroriste, l’agression vendredi d’une policière municipale à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes, par un ex-détenu radicalisé au profil psychologique très perturbé, pourrait aussi peser, notamment à droite où l’on souhaite muscler la réponse de l’Etat, jusqu’à parfois sortir de l’Etat de droit.

Numéro 2 des LR, Guillaume Peltier a ainsi suscité un tollé dans son propre camp en demandant en matière de terrorisme le rétablissement d’une « Cour de sûreté » qui, « au cas par cas, pourrait placer en rétention de sûreté », sans possibilité d’appel. Le député Peltier n’a pour l’instant déposé aucun amendement reprenant cette proposition. La droite veut durcir le texte, la gauche met en garde sur les libertés. 443 amendements ont été déposés.



Mais une inquiétude est partagée : celle de la libération de détenus condamnés pour entreprise terroriste et dont les peines vont arriver à leur terme. Entre 2020 et 2022, plus de 140 djihadistes ont été ou vont être libérés.

Pour eux, le gouvernement et la majorité proposent deux mesures pour éviter leurs « sorties sèches » : d’abord, le passage d’un à deux ans des « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (Micas), les ex-assignations à résidence créées par la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Silt) de 2017 ; de l’autre, la création ad hoc d’une « mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste ».

D’ici 2024, 163 auront purgé leurs peines

Le texte a été présenté en conseil des ministres par Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti le 28 avril dernier, pour réviser la loi Silt et celle sur le renseignement de 2015. Pour les dispositions de Silt, il s’agit de pérenniser quatre mesures de police administrative qui avaient fait entrer des outils de l’état d’urgence post-attentats de 2015 dans le droit commun : périmètres de sécurité, fermeture administrative de lieux de culte, Micas et « visites domiciliaires ».

Le gouvernement a ensuite adressé une lettre rectificative au conseil d’Etat, après que la haute institution a regardé les Micas avec circonspection. « Nous sommes sur une ligne de crête » entre ordre public et libertés individuelles, convient l’un des co-rapporteurs LREM, Raphaël Gauvain. « Sur un plan constitutionnel, nous prenons notre risque », a reconnu le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. D’ici la fin de 2024, 163 personnes » détenues après avoir été condamnées pour des faits de terrorisme auront purgé leurs peines et présenteront « sans doute encore des signes de radicalisation », a rappelé M. Dupond-Moretti.

Entre invectives et éclats de voix avec le gouvernement, Ugo Bernalicis (LFI) a défendu sans succès une motion de rejet du texte. « Le terrorisme mute comme un sale virus. (…) Il est tout à fait normal que nous suivions ces évolutions. Que voulez-vous la LFI? (…) Le nihilisme est insupportable », a fustigé le garde des Sceaux. M. Bernalicis a dénoncé avec ces sous-entendus un « procédé politique abject ».

La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement est révisée par ce texte afin de suivre l’évolution des technologies et des modes de communication utilisés par les terroristes. Si la loi est adoptée, les services de renseignements français pourront intercepter des communications satellitaires, faire davantage appel aux opérateurs de communication, recueillir des données informatiques pendant deux mois, non plus un.

Le texte pérennise la technique dite de l’algorithme, expérimentée depuis 2015 et autorisée jusqu’au 31 décembre 2021. La surveillance algorithmique est étendue aux URL de connexion. Un contrôle massif – mais anonyme, assure l’exécutif – des historiques de navigation sur Internet.



Le projet de loi traduit les conclusions d’un arrêt du Conseil d’Etat relatif à la conservation généralisée des données à des fins judiciaires et de renseignement. Une décision « très importante », juge Guillaume Larrivé (LR) car elle permet de « consolider le régime français du droit du renseignement » menacé par la justice européenne.

Au menu jusqu’à jeudi, le projet gouvernemental propose en outre de libéraliser l’accès à certaines archives, sans dissiper les craintes d’historiens.