Mort de Clément Méric : deux ex-skinheads condamnés à 8 et 5 ans de prison en appel
Les peines ont été moins lourdes qu’en première instance. Condamnés en première instance à sept et onze ans de prison, deux anciens skinheads comparaissaient en appel depuis mardi 25 mai devant les assises de l’Essonne, dans l’affaire de la mort de Clément Méric, en 2013. Ils écopent de peines de huit et cinq ans de prison lors de ce procès en appel.
Esteban Morillo, 28 ans, et Samuel Dufour, 27 ans, tous deux vêtus d’une chemise, ont accueilli leur condamnation dans le calme. « Vous allez être reconduits à la maison d’arrêt », a indiqué le président de la cour d’assises Thierry Fusina, précisant que la feuille de motivation expliquant le choix de la cour sera communiquée lundi.
« Une rencontre fortuite », une « rixe soudaine » et une « scène unique de violence » : des peines de sept et onze ans d’emprisonnement avaient été requises vendredi à l’encontre des deux anciens skinheads jugés en appel à Évry pour la mort du militant antifasciste Clément Méric en 2013 à Paris.
« Si la rencontre est fortuite, le dossier démontre que la mort de Clément Méric n’était pas le fruit du hasard, il y a eu une montée en puissance et une forme de haine », avait lancé l’avocat général, Philippe Courroye, devant la cour d’assises de l’Essonne.
Il avait requis la peine la plus lourde à l’encontre d’Esteban Morillo, 28 ans, déjà condamné à onze ans en première instance et qui a reconnu être l’auteur des coups mortels. Il encourait jusqu’à vingt ans de réclusion pour coups mortels portés en réunion et avec une arme. Sept ans avaient été demandés pour son co-accusé Samuel Dufour pour sa « co-action » dans la bagarre, même s’il n’a pas frappé Clément Méric. Il avait déjà été condamné à cette peine en 2018.
« Une idéologie toxique »
Le 5 juin 2013, Clément Méric, étudiant de 18 ans et militant antifasciste, s’était écroulé sur le bitume en plein Paris, après avoir été frappé au visage, lors d’une brève rixe entre militants d’extrême gauche et d’extrême droite, en marge d’une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry.
Les accusés « ne sont pas jugés parce qu’ils sont ou ont été skinheads, mais qu’on le veuille ou non, dans l’enchaînement des faits, en toile de fond il y a un carburant inquiétant, celui du sectarisme, de l’ostracisme, de l’exclusion de celui qui ne pense pas comme nous », poursuivait l’avocat général, évoquant leur « dérive commune » vers une « idéologie toxique ».
Du côté de la défense, Me Triomphe, avocat d’Esteban Morillo, a fustigé « l’idéologisation du procès » et la « folie » d’un réquisitoire « politique ». Pour lui, dans cette affaire, tout a été « inversé » : « les agressés sont devenus des agresseurs ». Il a plaidé l’acquittement « au nom de la légitime défense ».
La mort de Clément Méric est « insupportable, mais ce n’est pas une infraction pénale », a aussi déclaré Me Grégoire Etrillard, avocat de Samuel Dufour. Dans sa plaidoirie de trois heures, comme tout au long du procès, l’avocat a tâché de mettre sur le même plan « la violence d’extrême droite » et « la violence d’extrême gauche ».
Pour lui, la bagarre entre les deux groupes de jeunes s’inscrit dans une « logique de bandes », avec des militants antifascistes soucieux d’exclure les « fachos » de leur « territoire », c’est-à-dire l’appartement où avait lieu la vente privée de vêtements.
« Des égratignures », selon la défense
En première instance, Samuel Dufour avait été condamné pour la mort de Clément Méric, même s’il ne l’avait pas frappé : selon la cour d’assises de Paris, il avait empêché ses camarades de lui venir en aide, notamment en blessant un militant antifasciste au bras.
« Deux égratignures ! Deux petits hématomes ! Sept ans pour ça, c’est hallucinant ! », s’est insurgé Me Grégoire Etrillard, brandissant à plusieurs reprises la photographie du bras blessé, et s’attachant à circonscrire la responsabilité de son client à ces seules plaies.
Au contraire, l’avocat général a insisté sur la circonstance aggravante de « la réunion » et de la « co-action » de Samuel Dufour. Pour lui, le groupe a été le moteur de la rixe : « Qu’aurait été Morillo seul ? Rien. Qu’aurait été Dufour seul ? Rien ». Deux semaines d’audience n’ont pas permis de lever tous les doutes sur l’échange de coups qui n’a duré que quelques secondes.
Pour l’accusation, le groupe de Méric ne présentait aucune menace alors qu’après cette « rixe soudaine », décrite comme une « scène unique de violence », Esteban Morillo semblait « plutôt fier » face à Méric « au sol, le visage en charpie, le cerveau déjà noyé par le sang ». À plusieurs reprises au cours du procès, Esteban Morillo et Samuel Dufour se sont dits désolés de la mort de Clément Méric, mais n’ont pas souhaité s’exprimer vendredi après les plaidoiries de leurs avocats.