L’absence de la direction aux obsèques du policier « le plus décoré » de l’Essonne fait grincer des dents
L’ambiance était lourde ce vendredi matin dans l’église du Saint-Esprit à Viry-Chatillon (Essonne), un édifice moderne, austère, construit dans les années 1960. « Beaucoup de policiers pleuraient, rapporte Jean-Marie Vilain, le maire (les centristes) de la commune. Moi-même, en en parlant, je suis encore ému ». Près de 350 personnes venues de toute l’Île de France et même de la France entière ont rendu un dernier hommage à Stéphane P., 49 ans, leur collègue qui a choisi le 26 mai dernier de mettre fin à ses jours avec son arme de service. Il a été retrouvé mort dans sa voiture en bordure de route, sur la commune de Saint-Romain-la-Motte, près de Roanne, dans la Loire. Selon nos informations, il a laissé une lettre dont le contenu n’a pas été révélé. Elle est entre les mains des gendarmes locaux en charge de l’enquête.
La tristesse s’est muée en colère à cause de deux absences remarquées : celle de Thierry Ferré, directeur de la sécurité publique (DDSP) de l’Essonne et celle de son adjoint. Ils étaient représentés par le patron du Service d’ordre public (SOP) auquel Stéphane a appartenu pendant 23 ans, depuis sa sortie d’école en 1998. Contacté par Le Parisien, le patron des policiers essonniens a confirmé que « la direction départementale était représentée par le chef du service d’ordre public, service dans lequel était affecté M. P. jusqu’en mars 2021. » Thierry Ferré ajoute : « La direction départementale et la direction zonale de la formation ont en outre facilité la participation des agents aux obsèques par la fourniture de deux bus et en permettant l’escorte du cortège funèbre par deux motocyclistes. Une minute de silence a été organisée dans tous les services au moment des obsèques, dont celle d’Évry que j’ai présidée. »
« C’est une déception de plus »
« Des commissaires qui l’ont connu dans le passé ont fait le déplacement, parfois depuis le sud de la France, s’insurge un des collègues de Stéphane. Des gens ont pris l’avion pour venir à ses obsèques. Et notre direction ne vient pas… C’est une déception de plus. Stéphane n’était pas un simple fonctionnaire. C’était le policier le plus décoré de l’Essonne. Il a eu presque toutes les médailles. La police, c’était sa famille ». Claude Carillo d’Alliance police nationale 91 réagit : « On ne comprend pas cette absence remarquée. »
En mai 2014, Le Parisien parlait de ce père de famille comme du « policier le plus courageux » du département. À son actif : une intervention dans le pavillon d’un homme suicidaire menaçant de se faire sauter avec des bouteilles de gaz, l’évacuation d’un avion crashé au décollage, la maîtrise d’un désespéré voulant sauter d’un pont au-dessus de l’A6. Il avait aussi sauvé des flammes deux jeunes hommes victimes d’un accident de la route, l’un d’eux étant coincé par son airbag. « Il était au-dessus du lot, dépeint un policier. Il était d’une intelligence supérieure ».
Une carrière exemplaire qui a pris un tournant menant à sa demande de mutation dans un autre service. Deux enquêtes internes sont en cours pour déterminer ce qui a conduit à ce drame et notamment les rapports qu’il avait avec deux commandants de police ce qui l’aurait poussé à solliciter cette autre affectation dans l’ancienne école de police de Draveil.
Le syndicat Alliance dont il était délégué a également demandé et obtenu une enquête sur les risques psycho-sociaux au sein du SOP par le Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Selon nos informations, la famille du brigadier-chef avait fait savoir qu’elle ne souhaitait pas la présence de ces deux commandants aux funérailles. Un ancien collègue de Stéphane conclut : « On veut retrouver de l’humain. Il y a un écart entre ce que notre hiérarchie dit et ce qu’elle fait. À Viry-Chatillon, il y a aussi un symbole fort (NDLR : c’est dans cette ville que quatre policiers ont été grièvement blessés en octobre 2016 durant une attaque au cocktail Molotov). Les policiers de l’Essonne ont payé un lourd tribut ces dernières années ».